du curé bibineur

Quand on raconte des blagues et qu’il pleut, on voit pas qu’on pleure, pendant ce temps-là, puisqu’il pleut, c’est forcé, à cause de la flotte ( et du Pernod qui ajoute sans doute à la confusion). Noyés de larmes et glacés par la pluie, ça va ensemble, pour tous ceux que je connais, pour les détrempés, pour les habitués qui outrepicolent, pour les décapités. Nous restent alors les seules histoires de notre jeunesse, ce que nous avons eu de meilleur, qui, agrégées aux jeux de mots légués par notre esprit de famille constitue peu à peu autour de notre mémoire comme une bulle où on peut respirer et qui nous tient un moment la tête hors de l’eau. Ainsi cette bienbonne en forme de devinette, posée par mon père et dont, bullant bullant, pernotant, je me souviens : 
Sachant, mon fils, qu’un curé qui, dans sa journée, double sa messe, est appelé curé bineur, comment donc nommes tu fiston mon fils, un curé, qui dit quatre messes? 
Quatre messes ? 
Oui, ça arrive, quatre messes. Comment appelles-tu, fiston hésitant, comment nommer un tel curé, assidu et répétiteur, qui dit ses quatre messes dans la journée ? 
Un curé quaterneur, peut-être ? 
Nonon, trop facile. Cherche mieux.
Quadrupleur ? Quartetteur ? Quarteronneur ?
Nonon. Nonon. Cherche encore, mais sache, fiston fistonnant, que j’apprécie la finesse de tes inventions. 
Un fou de la messe ? Un athlète dévot ?  
Pfft. Insolent rejeton non moins que calembourdant descendant. Non. Un tel curé, qui dit ses quatre messes, est en quelque sorte un curé double bineur, en quelque sorte, c’est donc 
c’est donc
un curé bibineur. 
Ça, voyez vous, ça me faisait rire. La blague du curé répétiteur (l’abbé bègue, en quelque sorte ) était une de mes préférées ; je riais, mon Dieu comme je riais, à ce genre d’astuce paternelle. 
C’que tu aimes, c’est l’alcooliturgie, surajoutait mon vieux papa en souriant. 
Mon Dieu comme je riais. Comme je regrette ce temps magnifique des mauvaises blagues calembourdifériques, ce temps de mon père. Comme je regrette ses théories bibinardes, et comme c’est loin tout ça. 



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