méditation V du 18 octobre 2011

Arrivée autour de trois heures et demi dans le quartier par la petite rue Feutrier, où je repasse devant ce café en pente à la terrasse suspendue, puis la rue Muller. Temps frais, après la pluie, mais je suis très correctement équipé, casquette cardigan, chaudement et parapluie replié dans ce petit sac à dos très commode où je range les appareils (photos, téléphone et Ipad ) et calepins-stylos, journaux. Me sens comme un patrouilleur, dans son uniforme bien composé, pratique et bien pensé.
Hier je n’ai fait que marcher, traverser Paris, et ce matin aussi, sans arrêt aussi dans le 13 e ; ce genre de promenade méditative ne se fait que fatigué, ralenti et ça tombe bien.
Et puis les rues Clignancourt et Doudeauville, par la rue-du-commerce africain, wax, épicerie, téléphone (déblocage) : le tout très affairé.
Au coin des rues Stephenson et Doudeauville, je m’arrête au chantier d’un Institut des Cultures d’Islam ; il ne reste que l’immeuble du coin de la rue, le pâté de maison où ce petit morceau est drôlement le seul restant, est vidé et nettoyé, prêt à construire, sur une grande surface qui fait comme un L creux. Le chantier est à un moment de calme ; c’est propre et nettoyé, sans machines encore ; la terre est boueuse et sans relief ; on attend.
J’arrive au carrefour Marx Dormoy, dans ce quartier où je n’ai jamais habité, mais toujours baladé, que je connais bien et je pense voilà ce que ce quartier fait de moi : un passant, un passant habitué et pourquoi ? je cherche des raisons : en gros, ça suit le trajet du 65, quand j’allais chez les parents à Aubervilliers ; je me dis que notre famille a toujours été tangente à Paris, sur un axe, disons Villejuif Aubervillers, qui passe derrière la gare de l’Est, et pas loin de la dernière adresse des parents, Jean Jaurès. Nord Sud, vertical, ça aligne les bistrots des parents, et fait un itinéraire où je me retrouve le plus souvent, qui passe par La Chapelle et Marx Dormoy. D’applomb. Tangente et d’équerre, voilà pour l’itinéraire recomposé, qui m’oblige.
Bon moment de repos à l’abri au mac do, qui domine de son étage l’entrée de la station, vue sur le kiosque. C’est l’heure de Paris-Turf et je repère ses clients spécialisés, qui connaissent leur affaire, aux petits gestes rapides de grands rêveurs. Et compétences populaires, le turf. Je résume de quelques notes cette théorie naissante de la ‘tangente’ urbaine chez les meuniers ; j’y songe : il ne convenait sans doute pas de rentrer trop loin dans la ville, fallait rester aux bords, aux limites populaires de la ville bourgeoise. Et mon père, à l’aise dans ses cafés de Villejuif et Aubervilliers, jamais loin des cocos et même à St Fons, leur premier bistrot, la cellule communiste de la Rhodia-Seta est à quelques numéros (banlieue encore.)
Puis lente remontée de la rue Philippe-de-Girard, vers le Xe et Louis Blanc ; je passe devant le café Landon -le voilà le café des parents, qui sort sa terrasse (c’était mon travail idiot) puisqu’il pleut. Je me dis qu’on désencombre la salle,voilà tout, puisqu’on ne sait trop où mettre ces tables dans ce café trop petit, pas de place, alors va pour la terrasse et tant pis pour l’hiver. Mais il est très tard, le café Kabyle m’amuse, qui fait la nique à mon père tenancier plus ordinaire, réglé prolétairement sur les prolos matinaux de son quartier de cheminots, cheminots très tôt levés. [Je pense à mon père, patron de bistrot des quartiers populaires, qui n’en voulait pas bouger, chez lui, entre les siens, Je me figure ce bleu de travail qu’il venait à peine de quitter. Mon père est resté en bleu casquette. Va savoir pourquoi je pense à Carette.]

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