un jeu dans la ville

Un jeu dans la ville consistait à dire ready d’une voix forte et assurée lorsqu’on se sentait, homme ou femme, capable de passer d’une heure à l’autre sans  dommage pour l’esprit. Le mode de préparation- sportif, psychologique diététique politique religieux n’avait aucune influence sur les délibérations et, partant, sur les zattendus zépalmarès d’un jury constitué d’une femme propre et très bien coiffée, genre chignon, et d’un homme plus propre encore, vêtu d’un costume propre, de lin nécessairement importé de Belgique candide. Le chignon devait être refait et le costume repassé après chaque délibération de cet impeccable jury pris dans la souche de nos habitants, la souche souchante prouvée vérifiée fichée voyez ce que je veux dire, certifiée, et comprenez qu’ils devaient être parfaits, sinon ça fout le camp rien ne tient plus et vau l’eau ça fout le camp. Le préfet et l’archivêque garantissaient la manoeuvre.
Mais mais voum direz : deux personnes seulement, même propres, votre jury n’est pas popopopulaire élargi sanhédrique, deux personnes, même propres, c’est pas le peuple, c’est le moins qu’on puisse dire, c’est l’élite proprette si vous voulez mais ça représente rien rien c’est pas très popopulaire votre jury propre et de souche souchante, voyez ce que je veux dire.
Mais mais moi je vous répondrais et alors et alors l’important n’est pas là, l’essentiel était qu’ils fussent propres et ça ne court pas les rues du village, y’en a pas des citernes, des propres souchant, alors deux c’est très bien et quand on les tient ben on les nomme pour longtemps : incorruptibles y’en a pas des wagons, et propres et nommés pour vingt ans et avec un peu de chance ils se reproduisent et on est tranquilles pour les jury futurs, ça court pas les rues, croyez moi ce genre de personne de souche du village, et on a intérêt à favoriser leur reproduction. Croyez moi.
Ready un grand type s’était avancé, je suis prêt,  un grand type les épaules dégagées, plutôt costaud, devait venir de l’arrière pays la campagne les travaux des champs, le grantair, quelque chose comme ça ;  l’inspirait confiance.
Parfait répondirent lin belge et chignon qui s’y connaissaient allez-y, allez-y c’est parti : cinquante-cinq, cinquante-six, sept huit…
Et le candidat explosa.
C’est la dernière fois que nous retenons la candidature d’un minime de l’équipe B murmura le costume repassé à l’oreille de sa collègue chignon. Sont pas à la hauteur arrière pays ou pas, épaules dégagées ou pas, sont pas si solides que ça, opina-t elle proprement, sont pas à la hauteur de l’épreuve pas à la hauteur quess vous voulez que je vous dise…on passe pas comme ça d’une heure à l’autre, par chez nous.
Pas suffisament préparé, ça se voit, on a pas idée d’exploser comme ça paf, y’en a partout.
Oui, mais nous, les conditions de préparation, comme monsieur disait tout à l’heure, nous, c’est pas notre juridiction, ça nous regarde pas comment y sont préparés, jeunes ou pas jeunes, entraînés dopés rien, ça nous regarde pas. Nous, on juge proprement de l’exécution des figures imposées, ready ready et hop on juge et on les notes, c’est tout. Nous on juge le passage d’une heure à l’autre, les conditions, leur vie, leur enfance malheureuse, tout ça, c’est pas notre affaire, nous c’est bien clair, nous c’est l’exécution, le style la manière. Zavez raison, et là, paf, on peut pas dire que ce soit très propre propre son numéro à l’homme des bois, hein. Ben non, l’en a mis partout, même. Va falloir arrêter les épreuves on peut pas continuer le concours comme ça, faut nettoyer la piste d’envol, c’est sûr. Ben oui, il en va de notre resspponsabilité, et de notre réppputation mais ça va prendre des semaines, pour que tout ça soit propre propre.
Ben oui.
Deux semaines plus tard, c’était un jeudi, tout ce que la ville comptait d’amateurs s’était rassemblé sur la place de la mairie pour une nouvelle épreuve du concours ready. Le préfet, l’archivêque, notre petit maimaire, tout le monde etc…
Un homme plutôt petit et rond, au visage assombri d’une forte barbe sous jacente s’était avancé. Parfait dirent alors les membres du jury linchignon, au signal pourrez y aller, mais attention à mon costume belge de lin, l’est propre. Et à mon chignon, pas moins.
Il était huit heures et de larges brouettes, un peu tôt sans doute pour passer comme ça à neuf heures, soleil trop bas aux rayons zobliques, énergie libidinale de la nuit non encore dissipée ça se voyait (et même ça se sentait : certains quartiers de notre petite ville transpuaient l’amour) : on ne passe pas comme ça d’une heure à l’autre, au village, chez nous, sous nos latitudes, voyez ce que je veux dire ? L’homme plutôt petit fit quelques pas et se rapprocha de la piste d’envol ; mais il claquait des dents ; mais il sautillait ; mais un voile dans son regard montrait bien qu’il mesurait sa déchéance ;
il s’affaissa ; on dû l’évacuer à dos de mulet. 
Pareil pour la femme grenouille, qui avait pourtant fière et excitante allure dans sa combinaison luisante et ajustée ; elle s’enfuit en courant (palmes) sans se retourner, offrant comiquement à la foule rassemblée, la vue d’un popotin rebondi et luisant qui rebondiluisait en s’enfuyant ;
pareil pour
l’architecte modern style, corrompu et tatoué comme on imagine
l’accordeur de bicyclettes
la maîtresse du curé Pinchard
le premier prix de thème latin du canton (son échec surprit tout le monde, surtout nozélites)
le riche asphalteur écolo
l’amant (moustachu) du préfet (fort chagrin du fonctionnaire à casquette)
l’horticultrice gauleuse de fraises
le notaire Slicky, de confiance
l’adjudant chef pensionné du dos (bon parti, retraite séduisante)
la moulangère à grosses biches
le folklokloriste bègue
et tous tous les costauds des environs et des Batignoles
toutes toutes les savantes du quartier, les savanturières
tous et toutes évaporés dissous explosés ou enfuis, tous et toutes avant le passage à l’heure d’après     tous pulvérisés atomisés liquéfiés ça devenait lassant ça sentait la farce personne y arriverait jamais et le jury n’a même jamais délibéré, c’est bien la peine de souchesoucher je vous dis que ça, bien propres bien net c’est bien la peine.
On commençait à se poser des questions    on c’est tout le canton    les zélus donc et surtout le préfet solitaire se demandaient s’il ne convenait pas de changer les termes du règlement, les attendus du concours, les objectifs de la parade : et si, se demandaient les zélites zélues, rendues à leur habitude de dissoudre un problème dès qu’ils rencontraient un problème, et si passer d‘une heure à l’autre ne pouvait se faire dans nos contrées qu’au prix des violentes fragmentations qu’on venait d’observer ? On pourrait pas faire autrement, hein, la preuve est faite, n’est ce pas, on ne peut donc que se volatiliser, et mêmes les meilleurs d’entre nous, les plus costauds et même le bel amant du préfet, pas faire autrement que pafexploser, pafvoler en éclats et si et si
ouimais ouimais changer le concours mmmm bousculer la tradition mmmm on-le-canton se posait des questions et on-le-canton sait bien que la souchesouchante n’aime pas ça, changer les traditions non moins que les figures imposées on changepas tout comme ça.   Faut voir se disaient les zélus qui s’y connaissent, faut voir. On-le canton étudierait la question.
Alors l’archiGnon ajourne le concours et le village s’en retourne tristement à ses arrière- boutiques.
Jusqu’à ce que, l’été d’après :
c’était une drôle de zèbre, qui marchait vers le jury. Peau sombre et belles lèvres, chevilles furtives : le village ne savait trop à quel sexe affilier le candidate, fards et bijoux, frous frous virils, maquillage affolant, deguingando subtil. L’animal rangea son tilbury derrière le champ de foire et, rajustant sa tunique légère, s’avance vers l’estrade en passant en revue toute notre petite foule souchante, en même temps que toute notre souche foulante, rassemblée depuis la veille dans l’espoir de voir enfin désigné un élégant champion chronomaître, capable enfin de mater les angoisses de la grosse horloge de la grand place.
Ready, se disent ils,  ça a l’air ready, prêtapasser d’une heure à l’autre sans dommage, sans dommage pour sa tunique estivale, pour son maquillage appuyé, ses lèvres lourdes et son fin duvet, ses petons subreptices et ses rapides mouvements de poignets déliés, ses jambes filantes, ointes, luisantes, épilées. J’ajoute que ses cheveux crantés rendaient des reflets rouges, captés dans les grands platanes qui filtraient le plein soleil qui tournait en boule au dessus de notre petite ville. C’était beau ; l’archiMignonvêque rosissait.
Quel étrange personnage se disent alors lin-et-chignon, quelle allure on dirait on dirait comme une aura, une ange, au dessus de sa jolie tête crantée, oui un halo qui lela tire vers le haut on dirait on dirait qu’il furtive des deux pieds et qu’elle fugitive sans se hâter comme c’est étrange, comme c’est charmant. Lin-et-chignon se prirent à craindre pour cette belle plante qui s’avançait vers eux : son charme serait-il suffisant pour résister au redoutable examen qui allait lui être proposé ? La plante animale allait elle triompher comme ils l’espéraient de la redoutable épreuve de passer sans dommage d’une heure à l’autre, d’un moment à l’autre, allait elle sauter sans périr ces murets cruel et ces failles dangereuses que l’on trouve d’ordinaire hein, à la fin de certaines heures, juste avant le début de certaines autres, des gouffres et des fossés. L’animale était beau, mais sera ce suffisant ? L’archivêque Mignon était gagné par leur inquiétude. 
Pareille la foule     pareils les zélus     soulcharme. Mézinquiets. Tremblants.
Alors l’archiMignon interrompit la cérémonie en ces termes : ça suffit, aux nom des dieux, ça suffit, ça suffit cette histoire, arrêtons le massacre, mes enfants voulez-vous, stoppons cet anéantissement des plus belles spécimens du canton, les plus gentils de ma paroisse, c’est trop dommage
j’en ai assez je n’en puis plus, ce sont les plus beaux qui partent en fumée pafcépupossible, au nom des dieux mes enfants.Et pis çui-là est trop belle. Et, foi d’archivêque, jmy connaîs.
On avait surtout compris que l’archirosissant Gnongnon voulait garder la créature pour lui seul, ce goulu. Une rumeur subséquente parcourt alors la foule foulante oui mais oui mais et notre-jeu-notre-tradition ? oui mais oui mais l’archivêque a toujours raison c’est son métier d’archivêque on peut lui faire confiance, il sait ce qui est belle, l’archivêque tout de même et iveut qu’on arrête le massacre il a raison il a toujours raison.
Il est tout rose et il a toujours raison. Rosiraisonnant, le mimi, le gnongnon, l’archignon, l’archivêque.
Lin-et-chignon reprennent alors d’une même voix émue : arrêtons le massacre, c’est vrai, ça suffit cette histoire. Fin du jeu, fin de l’histoire : notre archivêque dirige nos consciences et il nous dit la tradition ne saurait se confondre avec le carnage, jamais, c’est sans appel. Pas besoin de barguigner d’avantage, pas besoin de consulter les zélus ah-ceux-là, et le préfet encore moins, pas besoin, toute façon y sont toujours d’accord pour dissoudre les problèmes. I suivront notre jury, et notre prélat troublé.
Voilà, sans appel. Notre jury dissous notre jury qui a dissous notre jeu. Vive l’archivêque, vive Mignon. C’est sans appel. Cessons lcarnage.
Voilà ce qu’a trouvé notre jury, pour que l’avenir de notre village soit mieux établi ; chignon-lin improvisa un municipal arrêté établissant que
toutes les heures mignon et son belle prendront l’apéro en terrasse, c’est comme ça, quoique disent les élus ces idiots et l’imprévoyant préfet,
      ils prendront l’apéro publiquement et ceux qui veulent et doivent passer d’une heure à l’autre sans périr, ceux qui veulent et doivent passer d’une heure à l’autre sans dommage de conscience, et ben ceux-là viendront les saluer les admirer les aimer causer un peu en terrasse à l’heure de l’apéro et
et
ça devrait bien aller comme ça.
On-le-canton répondit d’une seule voix :
d’accord, faisons comme ça, une tradition pour une autre, où il est question d’apéro, ça roule. On passera les voir et d’une heure à l’autre, d’accord, faisons comme ça, vive notre jury, cessons le massacre traditionnel, vive mignon notre archivêque, et vive son belle homme son favori. Simplement, nous ne seront plus ni forts ni assurés, faudra s’y faire, on sifra.
On-le-canton fit alors :
ready, ça nous va, nous serons alors moins forts et moins  assurés, mais c’est la moindre des moindres choses, ça nous va, homme ou femme, on a l’habitude. Ready, transportant ainsi notre petite ville au tout début de cette histoire, ça nous va, mais la règle avait changé, voilà tout, ça nous va
ça nous va.

Leave a Comment