pliés

La vie entre les mailles
entre les gouttes
entre les gouttes, si vous voulez. Comment qu’on est sous l’orage, comment est mort Bartok dans la misère ?
Imaginez le monde comme un orage, comme un gros orage qui ne s’arrête jamais.
Comme ceux du Vercors ?
Comme ceux du Vercors si vous voulez qui vous empêchent de sortir, parce que la montagne est détrempée.
Encore heureux. Oui, encore heureux, qu’on puisse plus sortir.
Oui, encore heureux. Ça tombe dru ; ça s’arrête pas. Pas de répit.
Encore heureux.
Et ben l’orage, vous y entrez pas la tête haute, n’est-ce pas ?
Ben non. Pas fou. On sait vivre.
Vous y entrez pas la démarche vaillante (chsais même pas c’que c’est, une démarche qui vaille quoique ce soit…), sous l’orage. Faudrait être bête. Vous y entrez de guingois, avec réticence.
Oui. Mais des fois, de guingois, on passe entre les gouttes. Ça arrive. J’en connais, y sont passés entre les gouttes, en marchant de guingois.
Ah bon, qui ?
Delteil, par exemple.
Peut -être. Delteil, peut-être.…
La traviole, c’est un charme particulier, réservé aux plus tristes.
C’est ça, le défaut de la méthode.
La coupe de traviole, les tissus biaisés, le faufilage, les boutons qui tombent…
Les artistes, eux, y entrent sous l’orage, avec des tas de trucs, la poitrine en avant et la tête pleine de poèmes tout faits. Avec l’âge, çascalme, les artistes s’affaiblissent.
Moi, tout jeune, je remontais déjà le col de mon veston. C’était mon charme à moi, pour passer entre les gouttes, avant l’apéro et ses fuites éperdues : je remontais mon col. Et l’eau me coulait pas dans l’cou, avec mon col relevé et mon allure de travers. Au bout de quelques années, j’avais pris le pli, comme disait ma mère.
Plié, déplié…si jeune.
Oui, mais même déplié, j’ai gardé l’pli.
La vie la vie la vie, c’est dans les plis.
On en garde une trace, comme ça.
Non, pas une trace, un pli, je vous dis. Invisible, mais plein de vie.
On est marqué, alors ?


Pas marqués : pliés dépliés, c’est tout. On dirait que vous voulez pas comprendre.
Vous fâchez pas.
J’avais pris le pli ( et un pernod ), voilà tout, tout jeune.
L’origami de vos ancêtres,
oui, le repliage secret, en quelque sorte. Pas besoin de couture, démaillés et défaits, mouillés certes, mais pliés. Et de biais, de biais comme on disait au début, surtout de biais.

Leave a Comment