me ronge les ongles depuis longtemps
depuis le sonnet n°2 des Regrets
depuis la fac et l’édition savante de Chamard :
quant à moy, je ne veulx, pour un vers allonger
(…)
frapper dessus ma table ou mes ongles ronger.
Alors depuis du Bellay, ça m’est très agréable,
de mes ongles ronger, moizossi
j’y vois comme une autorisation si l’on veut,
mes ongles faisant ainsi partie
de l’artpo
de l’art poétique comique satirique,
l’artpo du poète au travail
prosaïque autopo
rtrait et moqueur avec ça
de l’anxieux poète
frappant rongeant
trépignant satirisant.
Mais à bien rgarder me ronge les ongles
depuis plus longtemps encore
pour tout dire depuis les Satires de Perse,
Satire 1, 106 plus exactement
comme il est dit danl Chamard
où du Bellay a piquésatopique :
Ah jamais d’Apollon suivant les dures lois
l’auteur de pareils vers
ne se rongea les doigts :
nec pluteum caedit
nec demorsos
sapit ungues.
On voit quej suis
en bonne et longue compagnie
de poètes rongeurs aux doigts rougis ;
passque sronger on peul faire
en composant son poème
c’est ça qui est bien ;
on fait avecce qu’on a
sous la main
on sporte à la bouche,
se mettre à vif
(et en rire)
c’est dla satire.
En somme une manie
classique de l’être classique
un défaut anthologique.
Et mieux : Ô Horace, Ô mon collègue
rongeur, tout ça rmonte
à ses Satires à lui : X, vers 71 :
vivos et roderet ungues
traduit par se ronge
les ongles jusqu’au vif :
ce qui est bien : l’angoisse
blanche de la page blanche
se colore ainsi de rouge sang.
Mais très bien aussi
la traduction de Danielle
Carles, triviale et bonhomme :
il n’écrivait pas un vers
sans se gratter beaucoup la tête
et se ronger les ongles.
Tous ceux-là se payant
la fiole des zanxieux poètes
qui la ramènent
avec les difficiles difficultés
qui les rongent quand
ils zécrivent et poètent.
Même chose chez Boileau
Satire VII, vers 28 :
j’ai beau frotter mon front
j’ai beau mordre mes doigts.
Même inquiétude poétarde
donsfichent justement les poètes ;
onsronge tous un peu
mais toud même faut pas en faire
une histoire sanglante
au moment de coucher
sul papier nos tourments
nos rognures de poètes en train.
Et pour compléter tout à fait
cette anthonglogie je rappelle
l’ onyx de ses ongles
de Mallarmé oui oui
c’est dans l’aboli bibelot
moins satiricieux mais tout aussi malicique.
On voit avec tout ça que jme ronge
les ongles depuis longtemps
et que j’ai pas fini.
Cette anthologie moqueuse
va donc durer toujours toujours durer
à me ronger les ongles jusqu’au vif ;
vais m’y faire m’y suis fait
et suis en bonne compagnie
de savants satiristes,
me console me dit
que ça fait partie
du métier de poète voilà tout.
Du Bellay Perse
Horace Boileau
Mallarmé et moi voila tout ;
j’en fais pas une histoire
tout juste un poème savantiforme
un poème facile facile chanson de mes ongles rongés.