un cinoque, ténor lyrique

Mercredi 9 mai 2012, vers midi, comme je descends la rue des Martyrs (Paris IX e arrondissement) je croise un jeune type fin et élégant, aux beaux cheveux longs dénoués sur les épaules ; il est vêtu d’un pantalon de ville très simple et bien ajusté et d’un pull léger au col en V ; surtout : il chante, menton rentré, épaules dégagées, d’une voix grave de ténor lyrique. Tout se passe si vite que je ne reconnais pas l’air en question. En somme ce chanteur est discret et furtif, rapide, mais tonitruant. On se croise donc ; je me retourne et relève qu’il tient La Gazetta dello sport roulée en tuyau, mais je perds trop de temps à griffonner quelques notes : mon ténor italien a disparu dans la rue Manuel toute proche. Je reviens sur mes pas, y jette un oeil : plus personne.
[Le beau ténor de la rue des Martyrs fait à l’évidence partie de la famille des cinoques musiciens, extravagants cousins mélomanes, pas forcément fous furieux mais enfin qui se signalent au passant et qu’il convient de distinguer des musiciens de rue, bien sûr. Intrigué, la même semaine par un étrange guitariste : c’était dans le bas de la rue de Seine, juste derrière l’Institut. Un homme jouait de la guitare dans une grande et vieille voiture (la guitare dans la guimbarde…), une petite guitare de répétition tout à fait à l’échelle d’un habitacle très réduit, mais pratique en tous cas ; il était assis au volant, fenêtre ouverte et déchiffrait des partitions posées sur le siège du passager.][Bien sûr, ils ne cessent pas leur musique pour la seule raison qu’ils sont dehors ; chez eux leur musique est sans doute gênante : ils répètent dans la rue, voilà tout. Mais ils dénotent.]

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