[Publication d’un croquis de Françoise Tola, saisi le vendredi 14 octobre 2011, vers minuit, allée de Trévise à Sceaux.]
A l’heure où je referme la fenêtre du salon j’aperçois en bas sur le trottoir un homme debout qui ne bouge pas. J’éteins la lumière pour mieux l’observer, dans la pénombre de l’allée de Trévise éclairée d’avantage par un nouveau revêtement sableux que par l’unique réverbère. L’homme a l’air assez jeune, entre 30 et 40, de taille moyenne, large d’épaules. Il porte une sorte de veste trois quart en lainage dufflecoat, les cheveux bruns et courts, bref, un style classique assez propre. Il regarde en l’air, ouvre les bras lentement, fait quelques pas en avant, s’immobilise ; puis quelques pas en arrière.
Après avoir éteint dans la grande pièce, je me poste à l’autre fenêtre pour mieux l’observer, prenant soin qu’il ne me voit pas. Soudain, il se penche vers son pied, retire sa chaussure (je verrai après qu’il s’agit de basquets montantes en toile, une note décontractée, nettement décalée avec son allure générale), puis sa chaussette, – comme s’il voulait se gratter, ai-je pensé, ou pour enlever quelque chose qui le gêne – mais non, bientôt il enlève l’autre chaussure et l’autre chaussette qu’il balance contre le muret. Alors, il se met à marcher sur le sol, pieds nus, lentement. Il remonte ainsi toute la rue (je le perds de vue le temps du passage du pignon nord de la maison, mais je le retrouve par l’autre fenêtre, côté cour) Il marche à présent sur la partie goudronnée du trottoir, à l’aise.
Il fait plutôt frais ce soir ; je vais me laver les dents ; et j’y reviens, curieuse, à mon personnage.
Il a marché pieds nus jusqu’à l’école maternelle. Il est peut-être sous un des garages couverts car je ne le vois plus.
Je finis par aller me coucher.
Je me relève, j’ai besoin de le voir encore. Cette fois il est redescendu à son point de départ, près de ses chaussures. Il est assis sur le muret, la tête baissée, prostré.
Je vais me coucher et m’endors.