un cinoque, ou une

Vendredi 11 septembre 2010, temps doux, après les pluies des derniers jours, angle des rues Terraux et du marché Popincourt (Paris XIe). J’attends Philippe, pour une pizza un peu plus haut. Quelques tables disparates en terrasse d’un bar pakistanais, ou indien, pour un jus de fruit. Je m’installe pour terminer les mots croisés du Monde, commencés dans le métro, en venant. En face, une pâtisserie arabe, qui a sorti trois tables, rue calme. Mais je remarque tout de suite, près de la porte du pâtissier, une cinoque, très nerveuse (et d’ailleurs androgyne), queue de cheval, jambes très croisées, nouées. Je suis assez loin pour qu’elle ne me remarque pas, la rue nous sépare, et son trafic, même léger fait comme un rideau derrière lequel je peux m’attarder à mon observation. Je prends des notes dans les marges de mon journal. Se parle, mais a l’air d’aller assez bien, se tient bien, en tous cas et même une certaine raideur du dos et des épaules. Blouson, pantalon,chemise claire. Mais se verse très souvent un peu de bière, ne boit pas. Tient un cigarillo éteint, ne fume pas, agite les mains et ponctue un discours qu’elle se tient à elle même. Une cinquantaine d’année, sans qu’on puisse préciser plus. Je suis gêné maintenant, rien ne permet de dire vraiment s’il s’agit d’un homme ou d’une femme, la queue de cheval, qui avait permis mon premier classement n’y suffit plus : des allures masculines, sans que ça emporte la décision. Sort un mouchoir de papier, et essuie les quelques gouttes de bière tombées sur sa table, refait. La canette, grand volume est vide, mais elle elle fait le geste de s’en reverser un peu. Gestes courts. Puis se sert de la canette comme d’un cendrier. Personne ne fait attention à elle, à lui, qui n’attire pas l’attention. Quand je la-le prends en photo, la table d’à côté me remarque et porte ses regards sur ma-mon cinoque. N’arrive pas à fumer, trop nerveux(se), le cigarillo ne parvient pas jusqu’à ses lèvres. Elle-il était là quand je suis arrivé, elle-il est là quand je pars : une demi heure, trois quart d’heure ? Pas tranché : homme ou femme ? Son agitation est constante, rien ne vient interrompre le papillonnement saccadé de ses gestes, pas de repos. Le rituel concerne maintenant la table, qu’il faut essuyer, et le cigarillo éteint, dont il faut secouer la cendre. Repousse ses cheveux dans le cou, de manière répétitive. Je me demande si elle-il va commander une autre bière. Rien ne permet de le dire, ni si elle-il va lever le camp. Au premier coup de fil de Philippe, je file vers notre pizzeria.

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