11 octobre 2006, très en avance au théâtre de Malakoff, où je dois retrouver Martine. M’installe sur un banc, en lisière de la grande place, espèce de forum triste et dégagé, très fréquenté. Les abords du banc en question sont très sales, marqués de liquides indéterminés. Je lis mon journal ( mots croisés achevés très vite dans le métro, en venant) : je ne remarque un grand type en blouson clair que trop tard. Il était près de mon banc, je ne repère son manège que lorsqu’il s’éloigne. Il est très penché en avant, les yeux au sol, examinant quelque chose. Il se déplace un peu, quelques mètres, et reprend sa position, scrutant le dallage, qui est fait de pierres rectangulaires uniformes. Rien de particulier, rien qui nécessite en tout cas un examen aussi attentif. Grosse montre très voyante, bracelet, gourmette, lunettes de soleil irisées à la main. 30 ans, chaussures de sport impeccables, peu rasé. Très bien tenu. De temps en temps, il semble ramasser quelque chose dans les joints de dalles, fouillant un peu, et pinçant l’objet ( que je ne vois pas, minuscule en tout cas) entre le pouce et l’index. Il parcours la place. Ça dure un grand moment. Plusieurs groupes de clochards autour de la place, dont un près de l’entrée du théâtre, trotinnettes, jeux de ballons. Mon chercheur rejoint les clochards, leur parle et continue sa fouille dans les jardinières qui se trouvent là. Je m’approche : mon type est tout à fait ordinaire quand il n’est pas le nez par terre, à son examen minutieux. Il est grand, athlétique, cheveux très courts. Je ne comprend toujours pas sa drôle d’occupation. Il demande une cigarette à un spectateur qui attend devant la porte du théâtre. Il l’obtient, et quitte tranquillement la place en longeant calmement la longue façade du théâtre. Je fais donc cette hypothèse que c’étaient des mégots qu’il cherchait et que mon cinoque est rendu fébrile par l’absence de tabac. Je n’ai pas de preuve, bien sûr, pas de mégot observé, ni lors du prélèvement, du rassemblement ou du roulage. Et puis le type n’a pas l’air dans une position de misère qui justifierait la collecte de mégots. Mais pas grand chose pour expliquer autrement son air d’automate méticuleux et inquiet, penché de tout à l’heure.