nicole

Dimanche 3 novembre 2013, vers une heure, au restaurant KentuckyFriedChicken de Saint-Denis (Hauts-de-Seine). J’y arrive au bout d’une très longue promenade dérivante, depuis la porte de La Chapelle : beau temps, douceur et grand ciel, fatigue et flottement, bonne humeur. Foule au marché du centre ville, foule au KFC : mais j’aperçois tout de suite en entrant une vieille dame en loques, petite, très déglinguée, petit chapeau de paille et houppelande informe et très sale. Elle est attablée devant un imposant seau de carton, plein des ailes de poulets qu’on sert dans ce type de restaurant ; elle recrache sans précaution les os dans le seau ; cheveux taillés à la serpe, gris, collés, barbe, soixante-cinq ans. La bataille pour obtenir un repas me détourne d’elle ; je finis par dénicher une place près de l’entrée et tourne le dos à la vieille dame répugnante. Foule, brouhaha, mais la voilà qui revient près de moi, et force le passage vers une table voisine où elle s’installe avec un gobelet de boisson chaude. Elle y engage la conversation avec un groupe de jeunes femmes, antillaises sans doute, endimanchées et apprêtées, que j’imagine sortir de la messe. Je me retourne : son manteau en haillons est largement déchiré dans le dos : on aperçoit par l’ouverture son dos maigre, tanné par la saleté ; je prends la photographie qu’on voit ici. Mais quoiqu’il en soit, ses voisines de table ne manifestent aucune réticence à faire une place à ma clocharde et lui répondent de manière très avenante. Elle se présente : ‘je m’appelle Nicole, et je viens du Nord’. Dans la vacarme ambiant, je ne perçois qu’une des réponses des très aimables antillaises : ‘bonjour, et moi, je m’appelle Maria et je viens de (inaudible)’. Je comprends que Nicole raconte sa vie, son travail de bureau ; elle ne parle pas de son état actuel. Elle se tient maintenant plutôt bien, droite, bijoux, voix claire. Posté pas loin, le manager de la salle, la regarde ; il la laisse faire (peut-être habituée), mais air sévère. Je file.

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