les cinoques de Chabeuil

[J’ai déjà donné ici les raisons pour lesquelles je ne détaille pas les portrait des cinoques de Chabeuil : j’y habite (petite ville) ; je les connais, tout le monde les connaît, leur nom, leur famille, leurs raisons : manque la distance. Or, pour ces sujets, j’ai choisi d’en rester au croquis, au dessin, à la silhouette, qui seuls permettent d’écarter par leur rapidité un sentimentalisme de bonne conscience, sur quoi échouent d’ordinaire les descriptions de ces fantômes.
Il me faut rester attentif, mais flottant, distant, sec, vite fait.
Néanmoins, voici quelques nouvelles des cinoques de Chabeuil, à partir des notes prises ces derniers mois.]

Le Vétéran-du-Vietnam est mort, brutalement. Il sortait de chez lui pour aller chercher de l’eau à la fontaine du Quai de la république, tâche quotidienne. Il est tombé sur le seuil de sa porte, net. Très seul, grand maigre, d’une élégance sobre et pas frileuse, poli. Très marginal, sans argent, son fils est venu l’enterrer. J’ai cru comprendre que les femmes le trouvaient dangereux.
-Le pélerin glisse lentement. Tâches de peau (à-plats blanchâtres) qui s’élargissent ; il se nourrit très mal, et grossit. Je l’ai vu l’hiver dernier, assis en tailleur sur une butte d’herbe derrière la MJC, pris dans une sorte de prière, face au soleil. Toujours trop légèrement vêtu. Ecarte parfois les bras quand il marche, esquisse un tournoiement.
-On ne verra plus Polo, qui ne sortira plus de l’établissement spécialisé qui s’occupe de lui.
-La petite tricycliste va bien, toujours dangereuse en vélo, s’aventurant sur des routes trop rapides. Jeune, souriante, habillée sans précaution, survêtement la plupart du temps. Son vélo est très orné, de toute sorte de fétiches et peluches. Elle fait de la peinture dans un club associatif, d’un genre ‘peinture d’outsider’, art brut (‘toi, faut que je te vois : faut que tu viennes voir nos peintures…) Je lui ai remonté sa chaîne, qui avait sauté : on se salue maintenant d’un coup de sonnette amical.
-Francis va de plus en plus mal, s’enfonce dans sa maladie. Médicaments, séjours psy. fréquents, incohérences. Ses très fréquents graffitis, laissent apercevoir ses difficultés : ésotérisme de bazar et persécution (tout de même, on dirait qu’il sait ce qu’il dit…)(‘Monsieur le directeur, je me demande bien comment se crée des métier baser sur l’inconnu comme le cerveau’ ou ‘exploire alors ce qu’il te donne et fait semblant de travailler’ ou ‘vous vous braquer avec l’autoritée de votre côté mais lui il va tous vous confondre’…)

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