Francis ne va pas bien : le village s’en rend bien compte : quand Francis laisse traîner le genre de note qu’on voit ici, c’est que quelque chose tourne encore moins rond que d’habitude. J’ai trouvé cette page blanche cette semaine (18 septembre 2013. La semaine dernière, c’était un graffiti à la craie, sous la porte monumentale : ‘Pais à Tout les Spermatozoïd et surtout aux ovules’) coincée sous un petit tas de terre (marques brunes sous la deuxième ligne) de bord de route, près de chez Francis. La mention de ‘la main noire’ est nouvelle : Francis est moins mystique, moins allumé que dans ses précédentes campagnes de graffitis, mais aux prises avec des forces obscures bien plus menaçantes. En ce moment, il apparaît amaigri, vieilli ; l’an dernier il a trouvé refuge dans un centre psychiatrique proche, pour récupérer un peu ; maintenant le village, qui connait bien les variations de la santé de Francis, s’inquiète.
[note de méthode. Je ne donne plus qu’épisodiquement des nouvelles des cinoques du village, et des nouvelles d’ordre général, qui différent donc des croquis habituels. Et voici pourquoi : les cinoques de Chabeuil, je les connais, je les connais trop, je connais les circonstances de leur malheur, leur familles, et leurs noms bien sûr ; il faudrait alors tout vous dire, et ce serait alors un tout autre exercice, un tout autre travail de documentation, sociologique ou médical, documentaire, qui m’échappe par bien des aspects.
…ainsi du cinoque pélerin que j’ai croisé un jour de l’hiver dernier, très légèrement vêtu, installé derrière la médiathèque dans une prière en lotus, tourné vers le soleil
et le vétéran-du-vietnam, toujours inquiétant et soliloqueur, maigre de plus en plus
et Thomas, le jeune marathonien mutique, coureur agité et mécanique, fort buveur de bière
et la tricycliste, dont le vélo même est de plus en plus cinoque, orné, bricolé
et le pyromane (condamné jadis), très aimable, infiniment malheureux
et Polo, qu’on ne voit plus guère, dont on s’inquiète
et ces autres pauvres silhouettes dont je ne vous ai jamais parlé.