Vendredi 23 avril 2010, vers midi, au café qui fait le coin de Poliveau et Saint Hilaire Paris Ve). En avance, j’attends la séance Wajcman, installé au bar, avec un Perrier et le journal. Le garçon, jeune, boucle d’oreille, chemise claire, est enjoué, blagueur, très appliqué. Il est sans cesse à vérifier que tout est en ordre derrière son bar : et comme c’est très visiblement le cas, il est heureux et le manifeste par une pitrerie qui semble dire : je suis le meilleur. Les clients sont au spectacle, et moi aussi. Entre alors un type, plutôt gros, joufflu, habillé de sombre, trente ans. Le garçon prend un air accablé et dit : ” oh nonnnn, il me les pourrit à chaque fois”, sans préciser de quoi il s’agit ; n’empêche qu’il connaît le visiteur qui s’approche du comptoir, à ma droite et commande un grand café. L’odeur qu’il propage soudain est terrible ; je ne sais pas quoi faire, et prévois de partir. Le pueur a des cheveux longs, très bruns, très sales et très collés sur le crâne, séparés en deux par une raie centrale, barbiche clairsemée ; il a posé quelques sacs de supermarché et fouille ses poches pour en tirer des pièces de monnaie, qu’il entreprend de trier. Le garçon, qui a lancé le café sur sa machine se retourne très vite vers le type et lui dit : ” D’accord, d’accord, je vous l’offre, mais vous allez le boire ailleurs, d’accord ? “. Et lui tend son café, dans un gobelet de carton. Le type lui répond : “d’accord, mais vous pouvez en mettre encore dedans, s’il vous plaît ? ” Ce que fait le garçon. L’autre sort. Le garçon se tourne vers moi : “c’est dur, hein ? “ Moi : “oui, mais vous vous en êtes bien tiré. Vous avez fait vite, et discret. C’est pas facile.” Il semble très heureux de cette appréciation et dit simplement : “c’est vrai, c’est vrai…”. Il ajoute : “et c’est pas des chiens, hein ? Faut y aller doucement ” en hochant la tête.