Lyon, métro Brotteaux, vendredi 10 octobre 2014, midi-midi-et-demi, dehors de gros orages empêchent la balade au grand air, donc refuge souterrain. Désordre de parapluie, d’impers mouillés, bas de pantalon imbibés, épaules rentrées, prostration dégoulinante.
Dans la rame, un type acéré, pas si tranquille que ça, debout face à moi, jean, baskets neuves, Kway ouvert. Agité, mais sans plus, jusqu’à un échange de regards de hasard : ça déclenche chez lui (il se détourne immédiatement) un froncement de sourcils vers le haut (air clownesque) et de petites dénégations qu’il transforme en conversation avec lui-même (mouvements des lèvres). Mince, dans les cinquante ans, cheveux secs malgré l’orage et brillants de shampoing, ongles soignés ; il vérifie que je ne l’ai pas quitté des yeux (je prends des notes dans la marge de mon journal), ce qui semble accroitre son inquiétude. Sa voisine de droite est très belle, grande et blonde, visage net et coupe au carré, trench coat serré, pantalon pas moins, bottines perchées : mon cinoque se tourne vers elle ; elle le regarde ; il fronce les sourcils et ouvre de grands yeux, transformant ses courtes mimiques en grimace ; elle s’inquiète à son tour et me cherche du regard, pour vérifier peut-être que j’ai noté quelque chose, pour confirmer. Moi, mine de rien. Elle choisit de s’éloigner dans le wagon.