Vendredi 3 avril 2015 vers 15 heures, attente au feu qui commande l’entrée de la gare de la part Dieu, à Lyon, sur le grand boulevard. Foule, empressement, tramways. Tout à côté de moi, un type fouille dans la poubelle toute proche, fixée au poteau de signalisation : examen furtif, sous mon nez, qui semble vérifier s’il reste quelque chose dans les nombreux gobelets posés en équilibre sur la poubelle en question. Tristesse, bien sûr ; je m’immobilise très brièvement. Au moment où je vais repartir, une voix se penche à mon oreille et me dit, distinctement : ‘ c’est pas facile, c’est pas facile, la vie d’artiste…’ Je me raidis, rentre les épaules, et reste au pied de mon poteau. Mais ça continue : ‘ le monde, le monde est triste. Comme il est, comme il est triste, le monde’. Puis ça s’éloigne : un homme en survêtement relâché, 35 ans, au cou musclé, tête à demi rasée, blouson trop serré, portant une petite sacoche, basquettes claires. Il se dirige d’un pas saccadé vers l’entrée de la gare ; il semble continuer à se parler : dodelinement de la tête. Renforcement de ma tristesse du moment : je prends ça pour moi, la vie d’artiste, sérieusement.