Dimanche 29 juillet 2011 vers 9 heures, au village (Chabeuil, Drôme.) Je sors des journaux après une conversation rigolarde ( et assez longue ) avec les kiosquiers sympathiques ; derrière moi dans la file des clients, j’ai bien remarqué celui que j’appelle depuis quelques mois : ‘le geek au vélo’, toujours la même silhouette épaisse, jeune, grand, aux cheveux blonds attachés en queue de cheval et à la barbe follette. Il est toujours vêtu de blanc, tee-shirt et pantalon de toile ; il porte de lourdes chaussures très montantes, sortes de bottines à lacets ; il se déplace en vélo, une machine classique qui le maintient très assis ; je ne le croise que dans le village. Quand j’en parle avec ma fille Anna, elle me dit que j’exagère et que rien ne permet de ranger ce jeune type un peu balourd dans mes croquis de cinoques. C’est vrai, mais tout de même, j’insiste sur ces éternelles fringues uniformes, cette allure ‘à-côté’, cet habillage léger, même par temps frisquet (et la théorie dit bien (conversation avec l’amie Suzanne, rapportée plus haut) que le mépris du froid signale à coup sûr la tendance schizophrène) Rien à faire, Anna maintient ses doutes de méthode et se fiche astucieusement de mes recherches symptomatiformes.
Sortant donc des journaux, je récupère ma bicyclette posée pas loin, retraverse la rue principale du village et à la fin de cette manoeuvre, me trouve nez à nez avec mon geek qui vient de finir ses achats et qui me dit, tout de suite (voix claire et assurée, très légèrement surjouée (déraillement en fin de phrase, grimpée dans les aigus) :
-C’est pas gênant, les espadrilles, pour le vélo ?…
Je perds du temps à la vérification vague que je porte bien ce type de chaussures,
-hein, c’est pas gênant ?…
et reviens à la conversation en bredouillant quelque chose comme :
-benon, pour ce que je fais en vélo, ben c’est bien suffisant, mais c’est vrai que les espadrilles…
-Oui, oui, l’avantage, avec les espadrilles, c’est que ça absorbe bien la transpiration. Ça absorbe bien la transpiration, les espadrilles…
On se sépare là-dessus, qui marque sans doute son grand souci du vélo, des chaussures, et du soin qu’il convient d’apporter à leur bon assemblage.