méditation II du 22 mai 2008

Surplomb du carrefour Marx Dormoy depuis une très élégante terrasse où j’ai été invité à boire une verre par des amis de Martine. C’est au dernier étage, dans un de ces jardins inespérés et très bien plantés qui dominent Paris, ici l’Est de la ville, sans horizon, ciel dégagé. Effet de charme de l’inviteur, familier du Vietnam d’où il revient, à la conversation exotique et d’ailleurs jardinante et vin blanc : le tout produisant vite un azimutage urbain où j’essaie de recomposer mes promenades dans le quartier et surtout les trajets qui menaient vers l’ami Ruget de mes années de collège. Il habitait là derrière, rue des Roses, tout près de la porte de la Chapelle ; j’arrivais chez lui par la rue Philippe-de-Girard dont je devine bien la trace rectiligne à une petite centaine de mètres ; je venais de ma rue Château-Landon abritée derrière la gare de l’Est. C’est tout droit et m’y revoilà par le hasard de l’installation de Martine dans le quartier. Amusant : le surplomb éthéré me ramène facilement à cette enfance d’ennui flottant et de balades dérivantes suivant des itinéraires amicaux constitués par les adresses de mes copains. En somme République-Stalingrad-La Chapelle que ma mémoire superpose à, vous voulez des noms ? Rabourdin-Roessler-Ruget, ce qui aligne très bien ma gare de l’Est et mon lycée Colbert. Vu des toits, vas-y file, retournes-y…on dirait les grandes lignes de ton enfance, les lignes du plan, la direction générale, et puis c’est très bien de voir ça d’en haut : ça fait comme une abstraction géographique, la carte, et ça préfigure quelque chose de sérieux qui s’accroche à des points très précis  : et je vois l’enseigne du magasin Monoprix, très proche sur le boulevard de la Chapelle, où je venais chercher cahiers et fournitures, sais pas pourquoi, c’est loin, ça devait me désennuyer, et me mettre en route, vague prétexte à m’enfuir rue des Roses. De tout ça je ne dis rien pendant l’apéro : une fois nous avions pris, il y avait Christian Roessler, Bernard Ruget et moi, tous trois équipés de très belles bottes western (les miennes moins belles que les autres, à bouts carrés et boucles de pacotille) nous venions de chez moi après quelques parties de babyfoot au café des parents, bon, et nous avions pris des acides, pour la route. Je me rappelle très bien de l’incident qui a terni cette promenade copinante et envappée : arrivés au square dont j’aperçois là-bas quelques arbres qui pointent, nous avions moqué la casquette d’un pétanqueur. C’était idiot et le fils du bouliste nous avait rattrapé et voulait nous baffer ; nous n’étions pas en état et nous avions filé chez Bernard après que Christian ait sauvé l’affaire par une politesse et un sens de l’à-propos très sûrs. Voilà nos itinéraires. Roessler et Ruget, je finis mon verre de blanc en pensant à vous ; je m’en ressers un ; je vous vois, pilotes parisiens.

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