Mercredi 6 juillet 2016, vers 11 heures, à la terrasse habituelle du Café de Chabeuil (Drôme) dit ‘Chez Mehmet’ ; je reviens d’une balade cycliste au bord de l’Isère (65 kms) avec l’ami Claude et on se paye une bière à la table d’apéro, où on retrouve les familiers du matin. Inutile de dire que je connais tout le monde : je remarque donc tout de suite, en arrivant, un type plutôt costaud, café, tabac, et livre de poche, que je n’ai jamais vu là à cette heure, ni jamais. Rien d’autre à signaler de prime abord. On s’installe, on souffle, et on commente notre escapade, écrasée de soleil. Et puis je me retourne vers l’inconnu lecteur : qui lit (mal rasé d’un barbe noire, tatouage, habillé comme une brute, athlétique, 35 ans) Mort à crédit. Est-ce que ça suffit à en faire un cinoque ? Pas sûr, mais pas sûr du contraire non plus. Pas le premier lecteur à la terrasse (journaux le plus souvent, polars…) de chez Mehmet, mais le premier Mort à Crédit, un original, un irrégulier, que je photographie à rebours, discrètement. Et puis je perçois un murmure, me retourne pour vérifier : il psalmodie Céline, lecture à mi-voix, scandée de mouvement de tête d’avant en arrière. Il est absorbé par sa lecture ; il prie, bien sûr.