le cinoque gymnasiarque

Mardi 2 juin 2015, vers minuit, après la représentation du Roi Arthus à l’Opéra Bastille, je prends le métro gare de Lyon, ligne 14. Dans la rame où je suis monté, près de la porte, dans le carré de sièges le plus proche, je remarque très vite un homme qui fait des étirements. Je suis installé juste derrière lui, de trois quart ; il a les jambes tendues sur le fauteuil qui lui fait face, pieds à l’équerre ; il pointe le bout des doigts vers ses pieds. Basquettes, blouson noir matelassé, cinquante ans. Torsion de la tête, lentement, à droite, à gauche : il n’a pas l’air commode, dans une sorte de grimace de grand méchant de cinéma, exagérée, mais efficace. Un jeune voyageur très élégant, Noir tendance sapeur, détourne le regard en souriant discrètement : no eye contact. Mon gymnaste se casse brusquement en deux et boxe la paroi du wagon à plusieurs reprises. Ça devient plus inquiétant. Puis le boxeur se lève ; il est bien vêtu d’un pantalon léger à poches multiples et de basquettes neuves, très sportives. Long visage mal rasé ; il attend à la porte et se frotte le haut du crâne de la paume de la main ; il semble s’appliquer à cette tâche et refait son geste plusieurs fois. Puis il se saisit de la barre centrale, affirme sa prise en hauteur et, de l’autre main, agrippe une  poignée en hauteur : traction lente, il monte les genoux. Visage impassible. Au total, il a l’air d’un crucifié ; le sapeur s’en amuse dans son dos ; le gymnasiarque tient la pose un moment, pas drôle, pas amusé, démonstratif, puis se relâche quand l’arrêt est venu. Et  descend.

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