un clochard

Lundi 10 décembre 2012, vers une heure et quart, au carrefour de l’Odéon (Paris, VIe arrondissement, centre ville chic), en traversant le boulevard Saint Germain vers la Seine, je remarque très vite un vieil homme en noir : il asperge les passants avec ce qui reste de sa canette de bière : il s’écartent, court effet de foule qui signale la scène. Une certaine allure : manteau noir, chaussures cirées, barbe jaunie sans plus, imposant cigare qu’il fume négligemment appuyé d’un coude sur la poubelle voisine. Gants de cuir, casque à musique aux oreilles, forte montre, il porte deux pantalons, enfilés l’un sur l’autre. Tout près de lui, une valise à roulettes qu’il soulève sans effort ; il la dispose en équilibre sur la poubelle, unzippe et en tire une autre canette de bière (Koenigsbier, 33cl). Rezippe et dépot soigneux de la valise-bar puis ouverture habile de sa canette. Bière, cigare, musique : il est accoudé tranquillement à sa poubelle, méditatif. Je me suis installé à une terrasse tout à fait proche et prends des notes sans qu’il en sache rien. Il tire des lunettes d’un étui, prend son temps et lit avec attention ce qui est écrit sur une boite de carton qu’il vient de ramasser dans sa poubelle. Son manteau est sale et froissé, mais pas défraichi, 60 ans, lunettes cerclées de fer, cheveux mal coupés débordant sur le col. Il range ses lunettes, se remet à son cigare et vérifie quelque chose qu’il vient de tirer d’un larfeuille conséquent : lecture patiente pendant laquelle il se parle à lui-même, et grimace. D’un même mouvement fluide, il agrippe sa valise et, sans se redresser, s’éloigne lentement. Je règle mon café et cours après mon clochard ; je lui passe devant quand il traverse la rue de l’Eperon, pas très loin et je l’entends très nettement dire : ‘…oui, mais la tranquillité des riverains…’

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