Mardi 17 juillet 2012, vers midi, place Clichy ; je sors du bus 95, derrière la place Clichy et remonte lentement le pont Caulaincourt qui surplombe à cet endroit le cimetière de Montmartre. Au coin de la rue Joseph de Maistre, je butte sur un jeune type planté au milieu du trottoir. Il semble lancé dans une conférence solitaire, à grands gestes et forte voix : ‘…viens chez moi, viens dans mon atelier. Viens chez moi je t’expliquerai comment on devient un artiste…Viens chez moi, j’ai tout le matos…’ Tourné vers le carrefour, il ne s’adresse à personne, ou à tout le monde. Il est très élégamment vêtu, d’un strict gilet noir, porté sur une chemise de lin blanc, dépassante et d’un pantalon sombre bien ajusté ; il porte un petit sac thermoprotecteur, fait pour ne contenir qu’une bouteille. Je m’installe sur le trottoir d’en face pour prendre mes notes, mais il m’aperçoit, et s’interrompt aussitôt. Il s’éloigne, tête basse et redescend le pont Caulaincourt puis, très vite, esquisse un pas de danse.