PAR OLIVIER RABOURDIN
Pour rentrer chez moi (Paris, XIXe arrondissement), je passe le plus souvent par le quai de L’Oise, le long du canal de l’Ourcq. De temps à autres, de jour ou de nuit, j’y aperçois un drôle de bonhomme. Il se tient immobile au bord du canal. Il ne fait rien, il est là, simplement. La nuit, il porte une sorte de cape dorée, serrée à la ceinture ; le jour, un manteau bleu ciel, et toujours un chapeau, doré comme sa cape, décoré de plumes et d’objets divers. Accroché à son manteau ou à sa cape, comme sur son chapeau : une collection de badges, jouets, figurines, maquettes, ustensiles de cuisine…
Un samedi de juillet 2012, je l’aborde (Le dialogue qui suit est reconstitué quelques jours après, de mémoire.)
– Bonjour!
Bonjour!
Il me sourit. Il a une voix aimable, très aiguë.
– On est bien, ici.
– Oui, on est bien.
– J’aime beaucoup vos vêtements, tous ces objets accrochés sur vous…
– Ils signifient l’universel, le lien entre toute choses.
– Vous les rassemblez pour être en harmonie avec cet universel dont vous parlez?
– Exactement.
– Je m’appelle Olivier, et vous?
– Nova.
Je lui tends la main. Il recule un peu et agite la sienne pour dire bonjour.
– Je préfère de cette manière.
– Parfait. Alors bonjour Nova.
– Bonjour Olivier.
– Vous venez souvent ici. Vous êtes du quartier?
– Oui, j’y suis né. C’est le centre de l’univers.
– Ici même?
– Ici et partout.
– On est partout au centre?
– Oui. Où qu’on soit, ici ou ailleurs, en Amazonie, c’est kif-kif, on est au centre de l’univers si on le veut.
– Vous avez raison
– Nous avons raison, tous les deux.
– Est ce que je peux vous photographier?
– Non, pas de photos.
Mais j’en ai déjà pris, en douce, de dos, un soir, et quelques instants avant de l’aborder. J’aurais bien voulu l’avoir de face. Tant pis. Je reste un instant silencieux, près de lui, à regarder l’eau, puis je prends congé poliment.