Jeudi 10 mai 2012, dans l’autobus 67 qui remonte vers Pigalle (Paris, Fr), vers deux heures. Pas grand monde, je suis installé plutôt au fond du bus, à des places longitudinalement disposées ; à ma droite une jeune Noire me tourne donc le dos, très droite, danseuse, sac à dos d’où dépasse une natte de yoga, queue de cheval ; elle est impeccable, très belle. Elle occupe la place située près de la fenêtre, laissant libre le siège-couloir. Survient une petite dame noire coiffée très haut, au très grand front (je ne trouve à dire que : comme Bernadette Chirac, dont plus généralement cette dame semble avoir adopté le style raidi et le grand classicisme vestimentaire à boutons dorés), nerveuse et rapide ; elle souffle et dit à très haute voix : ‘ah voilà, y’a plud place (ce qui est faux, elle en a une, de place, sous le nez…) c’est comme ça, avec les touristes, les touristes, les touristes….’ Il devient évident qu’elle visait la place-fenêtre, tenue par la belle yogie, vers qui se retourne maintenant la vindicative : ‘c’est pas possible…ces touristes…’ A quoi répond la danseuse : ‘je ne comprends pas, madame, une place, vous en avez une….’ qui établit très calmement le dialogue entre la rigueur bien tenue et le n’importe quoi agressif. La méchante s’assoit. Et Yogie ajoute : ‘…cela dit, excusez-moi, je descends à la prochaine, je vais sortir…’ qui énerve encore un peu plus Black Bernadette, qui s’agite (je suis placé à trente centimètres des deux opposantes et n’en perds pas une, m’amuse à noter à la volée), tortille des épaules, jette le menton en avant et lâche : ‘oui ben…ben je vous laisserai pas passer’, ce qui ne trouble pas BelleYogie qui se lève et force le passage avec adresse et légèreté. Furibarde, BB se lève alors et saute vers les places réservées de la tête du bus en presqcriant : ‘bon débarras.’ Une troisième passagère, cinquantaine souriante, cheveux courts, s’adresse alors à la gracieuse qui va descendre : “…mais elle est folle, cette dame, des places, y’a a plein le bus…” Yogie, décidément parfaite, élargit alors le débat : ‘ça devient de pire en pire. Quand c’est pas les touristes, c’est les arabes, ou…ou les chinois. Y’en a de plus en plus, dans les transports publics, de son genre…’
Editions du balai